- VIROSES VÉGÉTALES
- VIROSES VÉGÉTALESLes végétaux, comme les animaux, sont sujets à des maladies à virus qui, dans de nombreux cas, occasionnent sur les plantes cultivées des pertes considérables. On trouve ces virus dans des espèces très variées, des algues bleues et des champignons microscopiques jusqu’aux angiospermes les plus évoluées.L’étude des virus végétaux a rendu de grands services à la virologie en général. Les facilités d’extraction et de purification de certains d’entre eux et leur grande concentration dans les cellules en ont fait des modèles particulièrement utiles pour l’étude des propriétés biochimiques des particules. Le virus de la mosaïque du tabac a été le premier virus obtenu à l’état cristallisé (1935). Par contre, le matériel végétal se prête mal à l’étude cinétique de la multiplication virale, du fait de la grande difficulté à cultiver les cellules végétales isolées in vitro.Les maladies à virus des plantes cultivées ont des caractéristiques très particulières. L’un des aspects fondamentaux, permettant de comprendre l’importance de ces affections, est la multiplication intense et généralisée du virus dans l’hôte qui l’héberge. Cela a deux répercussions: d’une part, cette généralisation du virus donne un caractère insidieux à la maladie, les symptômes étant souvent diffus dans toute la plante, donc difficiles à détecter; d’autre part, on trouve une prédominance de plantes virosées dans des cultures réalisées par multiplication végétative (greffes, tubercules, bulbes).Une autre caractéristique des viroses tient au parasitisme strict de ces agents pathogènes. Un virus est avant tout une information génétique, un acide nucléique qui ne peut assurer son maintien qu’au sein même de la cellule vivante. Aussi, pour expliquer la dissémination de ces maladies à distance, est-il nécessaire d’y impliquer un hôte vivant qui serve de relais. La dissémination des viroses végétales par des vecteurs aériens (insectes) ou souterrains (nématodes) est en effet un trait fondamental de ces maladies.Incidence économiqueLe nombre de virus végétaux découverts s’accroît chaque année, et plus de cinq cents virus différents ont déjà été signalés. Le nombre des maladies est plus grand encore, car certains virus, très polyphages (par exemple le virus de la mosaïque du concombre), peuvent attaquer plusieurs espèces végétales.Parmi les viroses déterminant des infections généralisées, les cultures les plus atteintes sont celles à multiplication végétative, mais la polyvalence de certains virus, permettant à ceux-ci de se conserver sur des plantes sauvages pendant l’hiver, rend quelques maladies très lourdes de conséquences, lorsque la dissémination du virus est réalisée par des vecteurs aériens très efficaces. Aussi redoute-t-on particulièrement les viroses de la pomme de terre, de la canne à sucre, des arbres fruitiers, des agrumes, du cacaoyer, de même que celles qui frappent les cultures maraîchères et les cultures florales.On donnera quelques exemples pour situer l’importance des pertes observées:– Les viroses de la pomme de terre . La culture par propagation végétative des tubercules demeure le principal responsable des dégâts. Malgré une certaine sélection au départ, on considère que le virus X, qui existe sous forme de souches atténuées, donc difficile à détecter et à éliminer, provoque néanmoins de 10 à 15 p. 100 des pertes de la production mondiale. En Europe, les pertes provoquées par l’ensemble des viroses de la pomme de terre, et malgré une sélection sanitaire efficace, sont estimées à un sixième de la production totale, dont 60 p. 100 sont dus au seul virus de l’enroulement, 20 p. 100 aux virus X et A.– Les virus de la betterave sont également très importants. Aux États-Unis, on estime à 12 p. 100 la baisse de rendement provoquée par ces virus, particulièrement le curly top et la jaunisse. En Grande-Bretagne, on a estimé à 6 p. 100 les pertes occasionnées par le virus de la jaunisse. Le rendement en sucre est d’ailleurs plus affecté que celui de la betterave elle-même; il diminue de 4 à 5 p. 100 par semaine jusqu’à l’arrachage (soit de 3 à 4 quintaux par hectare). Une baisse de rendement de 30 p. 100 est une moyenne fréquente. Cela signifie qu’en France plus de 4 millions de tonnes de betteraves sont perdus chaque année à cause de l’infection virale.– Les viroses des arbres fruitiers provoquent aussi d’importants dégâts favorisés par les méthodes de greffage. Ainsi le virus de la tristeza des Citrus , observé dès 1930 en Argentine, est répandu maintenant dans toutes les régions agrumicoles d’Amérique du Sud. En douze ans, dans la région de São Paulo, plus de 6 millions d’arbres ont été détruits, soit 75 p. 100 de la production de cet État. Le virus de la sharka est responsable de la destruction d’arbres fruitiers à noyau dans toute l’Europe de l’Est (14 millions d’arbres ont été détruits par cette maladie en ex-Yougoslavie). L’épidémie a atteint également l’Europe occidentale.Les pays tropicaux possèdent leurs propres virus, adaptés aux cultures spécifiques que l’on y rencontre. L’importance des maladies à virus du cacaoyer, par exemple, est considérable. Le virus du swollen shoot , largement répandu en Afrique, provoque à lui seul une diminution de 10 p. 100 sur la production mondiale du cacao. En 1948, on estimait déjà que 46 millions d’arbres étaient atteints. En 1960, au Gh na, selon les souches impliquées, la récolte était diminuée de 19 à 46 p. 100.Différents symptômesLes virus provoquent, chez leurs hôtes, des symptômes très variés qui peuvent aller jusqu’à la mort de la plante.L’effet le plus courant est certainement la réduction de croissance du végétal atteint, laquelle entraîne très souvent une importante baisse de rendement. Ce nanisme est dû à la longueur réduite des entre-nœuds de la tige et se retrouve dans le cas de maladies très diverses (mosaïque du concombre, virus Y de la pomme de terre, maladie du nanisme du riz au Japon, etc.). À l’extrême limite, on observe le phénomène de «rosette»: les entre-nœuds sont si réduits que toutes les feuilles se forment au même niveau; simultanément, le nombre de tiges se multiplie et la plante se présente sous un aspect buissonnant (la principale maladie de l’arachide est due au virus de la rosette).Les symptômes foliaires sont aussi très caractéristiques. Ils se manifestent sous l’aspect de chloroses, de modifications de couleur, de changements de forme et de texture du limbe. Une chlorose de l’ensemble du feuillage apparaît dans tous les virus du type jaunisse: elle va d’une décoloration légère (enroulement de la pomme de terre) à un jaunissement prononcé (jaunisse de la betterave). On observe même parfois une chlorose extrême du feuillage ressemblant à une carence minérale (il en est ainsi pour la jaunisse apicale du pois). La décoloration peut être accompagnée de certains changements de teinte du feuillage dus à une accumulation d’anthocyanes: ainsi la couleur pourpre est fréquente en présence du virus de l’enroulement de la pomme de terre, et la couleur rougissante apparaît avec certains virus de la carotte.Le symptôme le plus fréquemment observé au niveau foliaire est celui de la mosaïque. Il s’agit d’une marbrure générale de la feuille, faite de plages de décoloration plus ou moins intenses dans le limbe foliaire, et limitées par les nervures secondaires: cette mosaïque est typique du virus de la mosaïque du tabac, de la panachure de l’abutilon, de la mosaïque du concombre ou de la mosaïque aucuba de la tomate. Ces symptômes de mosaïque, caractéristiques, se retrouvent plus ou moins intensément depuis la marbrure légère (virus X et A de la pomme de terre, mosaïque de la laitue) jusqu’à la mosaïque très prononcée (mosaïque de la betterave). Le même processus de décoloration s’observe sous forme de stries sur les monocotylédones (mosaïque striée des céréales, bigarrure de l’oignon) ou d’anneaux de décoloration, parfois nécrotiques, caractérisant un groupe de maladies appelées ring spot. Les symptômes de modifications pigmentaires sont particulièrement spectaculaires au niveau des pièces florales: la panachure de la tulipe est provoquée par une altération des pigments, surtout anthocyaniques, sous l’action du virus de la mosaïque.Des déformations foliaires dues aux différences de croissance des plages claires et foncées (le virus Y de la pomme de terre est appelé pour cela «frisolée») accompagnent très souvent les altérations chromatiques. Elles se présentent sous des aspects très divers, depuis le rétrécissement léger de certaines parties de la feuille jusqu’à la réduction totale du limbe, où il ne reste alors que la nervure centrale. Ce dernier symptôme, par exemple, caractérise un complexe de virus fréquemment observé sur la tomate et est dû à l’action simultanée du virus de la mosaïque du tabac et à celui de la mosaïque du concombre.Les virus peuvent provoquer aussi des fasciations (viroses de la vigne). On trouve aussi un symptôme typique de virose dans la présence d’énations, ou proliférations tissulaires, à la face inférieure du limbe.Transmission et disséminationLe passage d’un virus d’une plante à une autre, et par suite sa dissémination, est assuré de plusieurs façons: par greffage, par la graine, par des vecteurs.La transmissibilité par greffage est évidemment le résultat de la présence généralisée des virus dans les divers tissus. Quand l’union entre le porte-greffe et le greffon est réalisée, le virus est transporté de la partie malade vers la partie saine. Ce mode de transmission a été largement utilisé dans l’indexage et le diagnostic des maladies à virus, celles des arbres fruitiers surtout. Il est, hélas, responsable du principal mode de dissémination des viroses des plantes ligneuses.Quelques virus de plantes sont transmis par les embryons des graines selon un pourcentage plus ou moins fort. Dans la plupart des cas, le virus n’est pas présent dans les graines issues de plantes infectées. Cependant, l’importance de la transmission par graines de certains virus peut être considérable, car il se crée ainsi de petits foyers primaires à partir desquels les virus peuvent être disséminés par des vecteurs.La transmission la plus naturelle et la plus spécifique des virus de plantes se réalise par des vecteurs biologiques, les plus nombreux étant les insectes: pucerons, cicadelles, aleurodes, thrips, parfois coléoptères ou insectes broyeurs. Mais d’autres vecteurs aériens se rencontrent parmi les acariens (araignées rouges), et une transmission dans le sol peut être réalisée par des nématodes ectoparasites et par des champignons (Olpidium brassicae ).La transmission par les insectes nécessite obligatoirement deux repas, l’un sur la plante infectée, le suivant sur la plante saine. Entre les deux se situe un laps de temps, plus ou moins long, nécessaire à l’insecte pour devenir infectieux. Dans certains cas, après une acquisition très rapide du virus au cours du premier repas, l’insecte (en général un puceron) ne conserve son pouvoir infectant qu’un temps très court (inférieur à une heure): la relation virus-vecteur est alors très passagère. Dans d’autres cas, au contraire (pucerons ou cicadelles), si un certain temps d’acquisition est nécessaire à l’insecte pour puiser le virus au cours de son premier repas, il y a ensuite un mécanisme beaucoup plus intime qui lie le virus à l’insecte: après une période de latence où le virus se multiplie dans le corps de l’insecte (période pendant laquelle l’insecte n’est pas encore infectieux), la maladie devient persistante dans le vecteur, et celui-ci peut alors transmettre le virus tout au long de sa vie à d’autres plantes. Cette notion de persistance est fort importante. D’une part, elle montre que certains virus sont susceptibles de se multiplier à la fois dans une cellule animale et dans une cellule végétale; d’autre part, elle joue un rôle quant à la méthode de lutte à adopter vis-à-vis des virus transmis.Méthodes de lutteLa première démarche à entreprendre pour entamer la lutte est d’identifier le virus responsable. Cette identification précise est nécessaire puisqu’elle permettra de déterminer l’origine de la maladie, les caractéristiques de dissémination et l’établissement d’une méthode de lutte appropriée. Les virus végétaux sont caractérisés par leur action sur une série de plantes dite «gamme d’hôtes», par les vecteurs qui les transmettent et par les relations entre hôtes et vecteurs.L’étude des réactions sérologiques, spécifiques pour un virus donné, est une méthode couramment employée pour détecter la présence d’un virus connu ou pour comparer des virus entre eux [cf. VIROLOGIE]. Les virus, comme toutes les protéines, sont des antigènes et, lorsqu’ils sont injectés à un animal (habituellement un lapin), ils provoquent la formation d’anticorps spécifiques dans le sang de l’animal. On utilise la précipitation antigène-anticorps pour l’identification et le diagnostic de la présence d’un virus. Des méthodes complexes et plus précises (test Elisa), associant réaction enzymatique et précipitation sérologique, sont depuis peu employées dans le diagnostic de ces viroses.L’aspect des particules virales (les virus des végétaux sont des nucléoprotéines dont l’acide nucléique est le plus souvent de type ARN) aide également à l’identification d’une virose. L’utilisation du microscope électronique est nécessaire et permet alors de révéler des particules parasphériques de 20 à 40 nanomètres de diamètre (nécrose du tabac, par exemple), des particules filamenteuses rigides ou flexueuses, et dont la longueur varie de 150 à 1 200 nanomètres, ou des particules bacilliformes.L’élimination ou la réduction des sources d’infection peut être réalisée de différentes façons. Si la source de contamination principale vient de la culture elle-même et s’il s’agit d’une production par multiplication végétative du matériel végétal, il sera nécessaire d’entreprendre une sélection sanitaire. Il en sera de même si la maladie à virus est transmise par la graine du végétal cultivé (mosaïque de la laitue). Réaliser une sélection sanitaire, c’est choisir ou produire des plants sains et les multiplier ensuite à l’abri de contaminations. Pour choisir ces plants sains, on procédera en utilisant l’indexage, la réaction sérologique, ou toute méthode permettant d’éliminer une plante virosée, même si son aspect est apparemment sain. Plus la méthode d’identification du virus sera fine, meilleure sera la sélection. Si certaines variétés ou certains clones sont infectés à 100 p. 100, on pourra régénérer ces variétés ou ces clones soit par cultures de méristèmes ou d’apex, soit en effectuant une thermothérapie [cf. HORTICULTURE ORNEMENTALE]. Par exemple, après un traitement de trois semaines à 37 0C, les plants de fraisiers ou les greffons d’arbres fruitiers, issus de variétés infectées, sont sains. Des clones d’œillets, de patates douces, de pommes de terre par exemple ont été guéris de leurs virus par multiplication de petits fragments d’apex, indemnes de virus. Les plantes saines choisies ou créées seront multipliées en l’absence de vecteur, si celui-ci est connu. Un contrôle permanent, l’élimination des plantes recontaminées permettront d’obtenir alors un état sanitaire satisfaisant. C’est ainsi qu’est réalisée la production de plant de pommes de terre, certifié sans virus, permettant le réapprovisionnement annuel en matériel indemne [cf. PHYTOGÉNÉTIQUE].La destruction de plantes hôtes sauvages, qui constituent des sources de virus importantes, est efficace dans certains cas. C’est ainsi que la dissémination du virus X du pêcher, aux États-Unis, peut être évitée par la suppression des merisiers sauvages contaminés. Cette méthode de lutte n’apporte de résultats que si l’hôte éliminé est la seule source d’inoculum, mais les foyers d’infection peuvent provenir d’autres plantes cultivées, surtout si le virus possède une large gamme d’hôtes: les trèfles et la luzerne par exemple sont des réservoirs de plusieurs virus affectant les haricots et les pois. On préconisera donc de ne pas disposer ces cultures trop près des légumineuses fourragères. C’est pour la même raison qu’au Soudan la culture d’Hibiscus esculentus est interdite dans certaines régions productrices de coton, car elle favorise l’extension du virus du leaf curl .Lorsque les méthodes d’isolement et de sélection sont impossibles, on lutte contre les maladies à virus par la production de variétés immunes ou résistantes. Il existe différents types de résistance vis-à-vis des virus: résistances à l’infection (à l’attaque, à la pénétration, à l’expansion); réactions d’hypersensibilité, c’est-à-dire une mort des tissus envahis qui conduit à la mort simultanée du virus; enfin, la tolérance, c’est-à-dire la non-réaction de la plante à la présence du virus dans ses cellules.
Encyclopédie Universelle. 2012.